D’anciens contes et légendes racontaient que, par delà les mers, les terres et les montagnes se cachait une île. Là-bas on y trouverait toutes sortes de plantes, d’animaux, de fruits et bien plus encore. Un vrai petit coin de paradis. De mon jeune âge j’y croyais dur comme fer, rien ni personne ne pouvait me dissuader du contraire… On me racontait que pour s’y rendre, il fallait traverser des mers dangereuses et tourmentées mais comme je suis l’enfant d’un pêcheur, j’ai l’habitude de naviguer. Pourtant, je ne pouvais pas y aller seul car je n’ai que 12 ans… Même si cela était très risqué, j’allais demander à mon père :
– Ça fait longtemps que j’y songe et… euh… J’aimerais bien partir en quête de l’île du Bonheur avec toi, pour que nous soyons heureux, tous les deux !
– Voyons Thomas ! Tu es devenu fou ! Ce ne sont que des sottises racontées par les vieux du village ! Mon ami a failli y mourir, alors, je n’ai pas envie de te perdre.
Contrarié et énervé, je sortis de ma maison, puis je courus pour rejoindre la plage. Mes larmes se dissimulaient dans le sable chaud. Je pleurais de rage ou bien de tristesse, ses deux sentiments se mélangeaient en moi, j’étais tellement déçu. Quand soudain, une idée me traversa l’esprit. Bien qu’elle soit mauvaise, à l’époque, je la trouvais bonne… Et si j’y allais seul ? Après tout, je n’ai pas besoin de mon père pour naviguer ! Je partirai demain, vers minuit, personne ne sera debout à cette heure là ! J’avais malheureusement raison… Il n’y avait plus de gardiens de phares depuis des décennies dans notre village. Il était d’ailleurs fort déconseillé de naviguer la nuit mais je pris mon courage à deux mains et pris la mer.
– Pardon papa, je te promets que je reviendrai, dis-je en regardant ma petite maison, s’éloigner, petit à petit. J’étais triste de quitter mon père durant cette expédition mais en repensant à toutes les merveilles qui se trouveraient sur l’Ile du Bonheur, je regrettais moins ce que je faisais. Le jour commençait à se lever, le ciel était magnifique, je pouvais le contempler pendant des heures. Ce spectacle était tellement beau qu’il me donna envie de fredonner un air :
– Je navigue, je navigue sans savoir où je vais ! La la la !!
Puis je réfléchis quelques secondes…
– Sans savoir où je vais !!?
L’idée primesautière qui m’avait traversé l’esprit – celle de chanter- m’avait aussi ouvert les yeux : je n’avais pas de carte pour me diriger.
– J’suis trop bête ! Je suis un marin de pacotille ! Je n’ai pris que des provisions et un stupide livre !
Enervé et exaspéré, je mis un coup de pied dans le mat du bateau et déchirai quelques pages du fameux livre. Je pris une grande inspiration et puis je me suis allongé, prenant à la main une des pages pour la regarder. Quand tout à coup, quelque chose apparut sur le papier, une image commençait à se dessiner.
– De l’encre invisible ! criais-je
Cette encre apparaît lorsqu’on l’expose à la lumière. Je commençais à distinguer peu à peu l’image se trouvant face à moi. Elle prenait la forme de…
– Une carte ! Je suis sauvé !
Quelques jours passèrent, tout se passait bien, ces derniers temps, aucune tempête ne se profilait à l’horizon. Je naviguais tranquillement, tout était calme. J’approchais de mon but. En effet, selon la carte, l’île qui m’avait tant fait rêver était toute proche. Soudainement j’aperçus des nuages noirs au loin, cela n’annonçait rien de bon… Mais ce n’était pas une tempête qui allait m’arrêter dans ma lancée, enfin, c’est ce que je croyais… La tempête était plus violente au fur et à mesure que j’avançais. Subitement, j’entendis un voix, provenant des vagues :
– QUI ES TU ? QUE FAIS TU LÀ !!?
– Je suis Thomas et je cherche l’ile du Bonheur pour que je sois enfin heureux ! Normalement elle devrait être devant moi ! Où est-elle !!?
– TU ES COMME TOUS CES CRÉTINS QUI NE PENSENT QU’A EUX ! SI TU VEUX SAVOIR, CETTE ILE N’EXISTE PAS !! TU M’AS DÉRANGÉ DANS MON SOMMEIL ALORS TU EN PAYERAS LE PRIX, COMME TOUS LES AUTRES ! JE NE FERAI PAS D’EXCEPTIONS POUR UN GAMIN !!!
– Non ! Je ne peux pas mourir dans ces circonstances ! J’ai fait une promesse !! dis-je les larmes aux yeux.
Furieux, l’esprit qui dialoguait avec moi jusqu’ici retourna mon bateau. Pourquoi n’avais-je pas écouté mon père, pourquoi étais-je parti de la maison, pourquoi avais-je été aussi inconscient ?
Quelque chose m’attirait dans les profondeurs de la mer, mon corps était paralysé, je sentais que je coulais, j’étais en train de plonger dans un sommeil et probablement, dans un sommeil éternel…
Jade